Si vous êtes nouveaux sur ce blogue et dans mon univers, vous ignorez sans doute que dans la vie civile quotidienne, je suis une fille de comm’. Je suis précisément devenue depuis quelques mois conseillère en stratégies numériques. Tous les jours, mon rôle m’amène à questionner notre utilisation du numérique et de le mettre au service de nos objectifs d’affaires. Comment une tablette, un cellulaire, les médias sociaux ou le Web au sens large peut nous permettre de passer nos messages, rejoindre nos publics ou réaliser toute autre prouesse que l’on vise?
Cette passion du numérique « intégré » comme je l’appelle est pourtant née bien avant l’avènement des médias sociaux et des téléphones intelligents. Elle n’est même pas née dans mes cours de création de site Web ou de marketing. Elle est née dans un cours de muséologie. En 2004-2005, alors à mes débuts de maîtrise en communication dans une université du sud de la France, nous parlions déjà de la place des TIC (comme on les appelait alors) dans l’univers muséal. On entrevoyait un potentiel énorme des technologies comme aide à un handicap visuel par exemple. Des appareils portatifs (audioguide par exemple) accroîtraient l’accessibilité d’un musée spécialisé en art visuel grâce à une audiodescription des sculptures et artefacts exposés.

Pourquoi utiliser le numérique dans un musée?
Depuis 20 ans, l’utilisation des technologies comme outil d’aide à l’expérience muséale s’est accrue, notamment grâce au développement des téléphones cellulaires intelligents et des tablettes numériques.
Aujourd’hui, plusieurs musées se sont munis de tablettes en guise de guides virtuels, à la manière des audioguides qui permettent de multiplier virtuellement les plages horaires des visites guidées et les langues disponibles pour le faire.
D’autres musées intègrent à leur visite des tablettes alors utilisées comme interface interactive sur laquelle les visiteurs peuvent voir la reconstitution d’un vase brisé par exemple. Il n’est plus si rare non plus de voir les tablettes comme outil de présentation dans les visites de groupe ou comme support éducatif pour les groupes scolaires ou les enfants.
Exemple du musée Bombardier
Cet été, la Société des musées du Québec nous a invité à aller visiter en famille le Musée de l’ingéniosité J.-Aarmand Bombardier à Valcourt. La visite de ce musée est une immersion dans le parcours de cet inventeur de génie et la compagnie familiale qu’il a légué à l’économie québécoise. Une immersion interactive où le numérique occupe une place particulière.
En effet, en plus de plusieurs stations où l’on peut animer les objets exposés ou augmenter la réalité en se prenant en photo sur une motoneige, le musée a également pensé spécialement à ses plus jeunes visiteurs. Pour susciter et maintenir leur intérêt, le musée prête gracieusement aux enfants une tablette munie d’une application spécifique conçue comme complément à la visite et déclencheur de discussion. Grâce à deux niveaux de questions, les enfants traversent le musée à la recherche d’artefacts dans les différentes sections de la collection permanente.
Cette aide numérique est à la fois un outil complétant la visite traditionnelle et une forme de ludification des apprentissages qu’ont particulièrement apprécié les jeunes geeks qui vivent chez nous. (Et qu’ils réclament désormais dans pratiquement tous les musées que l’on visite!)
Les entrées nous ont été fournies gracieusement par la Société des musées du Québec, mais l’ensemble des opinions émises ici ont été faites en toute objectivité et indépendance.
Cellulaires et radio-identification
Les téléphones cellulaires ne sont pas en reste. Certains musées proposent par exemple aux visiteurs d’utiliser le signal GPS de leur téléphone pour les repérer dans le parcours de la visite et leur pousser des informations pertinentes sur les œuvres qui les environnent.
Combinés parfois à la RFID, les téléphones cellulaires deviennent à leur tour des outils d’accompagnement à la visite comme le montre l’expérience de ce musée australien – qui n’utilisait que les étiquettes et le signal RFID alors, mais ça laisse entrevoir des possibilités infinies!
Les téléphones fournissent par ailleurs de précieuses informations au musée sur les déplacements de leurs visiteurs pour venir à l’exposition et au sein même de l’institution, des données qui permettent d’améliorer l’aménagement du musée et l’expérience muséale des futures cohortes d’amateurs d’art.
La « numérisation » de l’espace muséal va même au-delà des murs des institutions pour s’inviter au sein même de nos foyers.
Un musée virtualisé
Selon une étude parue en 2017, un peu moins du quart des musées interrogés mettaient l’intégralité de leur collection en ligne, permettant peu ou prou une visite virtuelle complète dans le confort de son foyer. En plus d’accroître la visibilité du musée et promouvoir la mission éducative présente dans la quasi-totalité de ces institutions, cette option aurait démontrer un certain impact sur la vente de produits dérivés et l’accès aux expositions à travers le monde.
Le Musée de la civilisation fait partie de ces quelques musées depuis bientôt deux ans. Le portail collections.mcq.org lancé en novembre 2017 permet à tout un chacun d’accéder à des photos haute résolution de l’ensemble de la collection du musée. Plusieurs albums thématiques ont été créés par l’équipe du musée, mais leur offre va plus loin encore en permettant aux utilisateurs de créer leurs propres albums en ligne, les partager et les échanger sur les réseaux sociaux. Le numérique devient alors un objet de discussion, d’interprétation et d’appropriation du savoir.
La virtualisation des musées va au-delà de numérisation de leur collection et s’invite au fond de nos poches et sacs. Plusieurs musées ont notamment créé des applications pour tablettes et cellulaires, en complément ou en parallèle de leurs expositions.
Par exemple, le Musée de l’Holocauste à Montréal propose depuis plusieurs années une application pour tablettes et téléphones. Trois parcours sont disponibles, proposant aux visiteurs une expérience interactive tout au long de l’exposition. Téléchargeable gratuitement, elle permet de préparer la visite en amont ou de prolonger l’expérience chez soi.
Le British Museum à Londres avait également expérimenté cette avenue en 2013 à l’occasion de leur exposition sur Pompéi – contrairement au CCHM, l’application du musée londonien était toutefois payante.
La ludification de la muséologie
À l’instar du Musée J.-Armand Bombardier, plusieurs musées envisagent leur application comme une façon ludique de découvrir l’exposition muséale. Certains vont toutefois plus loin que le musée valcourtois.
Il y a 18 mois-2 ans, j’ai téléchargé l’application Android Father and Son créée pour le Musée Archéologique National de Naples après avoir lu un article à son sujet. Le statement est assez simple : « Partez à la recherche de vous-même au travers des merveilles de Naples, plongez dans les derniers instants de Pompéi lorsque le Mont Vésuve est entré en éruption en 79 après J.-C., expérimentez la vie quotidienne dans l’Egypte ancienne. Le passé est ce qui rend notre présent réel. »
Cette application gratuite a une durée de vie en soi très courte, environ une heure. Toutefois, certaines sections peuvent être débloquées en achetant une entrée au Musée Archéologique National de Naples, commanditaire du jeu. TuoMuseo, l’éditeur, propose d’ailleurs plusieurs titres similaires permettant de découvrir Parma à travers Giuseppe Verdi, la Toscane ou encore Tarente, ville côtière.
L’audace de ces applications est d’offrir un parcours ludique complet sur la thématique du musée, et de permettre de le compléter en se rendant ensuite sur place. La réalité augmentée pourrait d’ailleurs se greffer alors et rendre l’expérience numérique interactive immersive et malade (vous sentez mon excitation dans l’abus d’adjectif, n’est-ce pas?).
Générer des communautés
Mon bémol éditorial à ce stade: si la plupart des musées offre une expérience numérique sur place ou, à moindre échelle, à domicile, peu encore semblent prêts à exploiter la richesse du contenu généré par leurs expositions.
Certaines exploitent parfois la thématique de leurs collections ou expositions temporaires et permanentes pour créer du contenu à valeur publicitaire, mais peu pensent à profiter du contenu généré par les utilisateurs/visiteurs (ou UGC en bon anglais), même s’ils sont parfois incités à en créer.
Par exemple, au musée Bombardier, nous étions conviés à simuler des photos publicitaires pour le produit phare de l’entreprise, Ski-Doo. Un hashtag a même été créé pour nous inviter à partager nos photos sur Instagram. (On ne vous cachera pas qu’on a un peu trop exploité l’idée de notre côté, photos à l’appui.)
Partage sur les réseaux sociaux? Quelle bonne idée! Ça avait commencé plus ou moins normalement Et puis, ça a dégénéré…
Pourtant, en visitant le compte Instagram du musée Bombardier, je n’ai vu aucun de ces clichés repris, idem du côté de Facebook. N’est-ce pas là une occasion manquée de constituer une communauté, de susciter l’engouement pour une institution et le partage de savoirs, d’attirer de nouveaux visiteurs, bref de prolonger une visite au-delà des murs du musée?
Les médias sociaux demeurent encore les grands absents de la « numérisation » muséale, mais quelque chose me dit que le retard sera tôt ou tard rattrapé puisque l’on voit déjà quelques initiatives porteuses prendre leur envol.
Pour aller plus loin
- Consultez le Plan culturel numérique du Québec dont l’objectif principal est de favoriser la visibilité des contenus et le rayonnement de la culture dans l’environnement numérique.
- Communiquez également avec les spécialistes du Réseau des agents de développement culturel numérique (Réseau ADN) qui vient d’être lancé.
- Profitez des Journées de la culture 2019 pour aller faire un tour dans un musée!
- Pour choisir un musée à visiter en famille, vous pouvez également vous rendre sur le site de la Société des musées du Québec.

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